Hospi Média Publié le 06/12/19

À l’occasion du congrès français de psychiatrie, la ministre de la Santé a précisé plusieurs avancées de la feuille de route dédiée à la discipline. Elle a notamment évoqué le succès rencontré par deux appels à projets nationaux, sur l’innovation d’une part et la pédopsychiatrie d’autre part, dont la liste des lauréats a été publiée dans la foulée.

Attendue à l’ouverture du congrès français de psychiatrie à Nice (Alpes-Maritimes), Agnès Buzyn s’est finalement exprimée ce 6 décembre par visioconférence depuis son ministère des Solidarités et de la Santé, retenue à Paris sur le pilotage du dossier des retraites dans un contexte de fortes tensions sociales. Devant un amphithéâtre comble et en présence du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie Frank Bellivier, la ministre s’est employée en premier lieu à rassurer l’auditoire sur le fait que la discipline n’était pas oubliée dans les récentes annonces sur l’hôpital. Ce que dénoncent pourtant une vingtaine d’organisations représentant notamment les praticiens hospitaliers et internes (lire nos articles ici et là).

Psychiatrie « plus moderne »

Alors que le congrès porte justement comme thème « la crise », la ministre a souligné que la psychiatrie « n’échappe pas à la crise de la médecine française et aux besoins croissants des Français » vis-à-vis du système de santé. « Je sais que vous exercez souvent dans des conditions matérielles un peu difficiles, j’avais annoncé [en 2018] une série de mesures d’urgences dans le cadre d’une feuille de route pour la psychiatrie […] mais le plan d’urgence [présenté le 20 novembre dernier] sert aussi la discipline psychiatrique comme l’ensemble des disciplines médicales », a-t-elle souligné. Ce plan intègre « évidemment » les EPSM, a réaffirmé la ministre, donc ils bénéficient « de la même façon de la reprise de la dette [ou encore] du plan d’investissement ». Ce qui permettra notamment « d’embaucher plus de personnels », en particulier paramédicaux.

Agnès Buzyn a néanmoins concédé que les professionnels de la psychiatrie, qui est « mal connue, stigmatisée », vivaient « une crise particulière ». L’enjeu, « c’est aussi de vous aider à apparaître comme une discipline indispensable », une psychiatrie « plus moderne […], peut-être plus ouverte sur les disciplines somatiques, intégrée au parcours de soins global des patients »pour que « vous ne soyez pas toujours à part ». C’est pour cela que « j’avais insisté en arrivant [au ministère] pour que les [EPSM] rejoignent les groupements hospitaliers de territoire », a-t-elle rappelé. La ministre a ensuite développé les enjeux médico-économiques de la santé mentale, qui représentent, entre autres, le premier poste de dépense de l’Assurance maladie avec 23 milliards d’euros (Md€) ou encore un coût global évalué à 4% du produit intérieur brut (PIB).

42 projets retenus pour le fonds innovation

Elle a alors évoqué différentes avancées de la feuille de route, dont un premier bilan d’étape complet sera réalisé début 2020 devant le comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie. « Nous devons continuer à favoriser l’innovation, la psychiatrie a un potentiel majeur d’innovations organisationnelles et de prises en charge », a souligné Agnès Buzyn. Précisément, elle a évoqué l’appel à projets national lancé sur le nouveau fonds pour l’innovation doté de 10 millions d’euros (M€) pour 2019, qui a engendré une « forte mobilisation » des acteurs. Ce sont en effet près de 300 dossiers qui ont été adressés aux ARS dans ce cadre, ce qui « prouve quand même une dynamique exceptionnelle », a-t-elle relevé.

Un tiers de ces dossiers visent les parcours de soins de proximité, un autre tiers le repérage et la prise en charge précoce des enfants et des adolescents et 20% la prévention et la gestion des situations de crise et d’urgence. « Je peux vous annoncer aujourd’hui que 42 projets ont été retenus et seront notifiés aux ARS dans les tous prochains jours », a poursuivi la ministre (lire encadré).

Innovations des secteurs public et privé

À la suite de l’allocution d’Agnès Buzyn, le ministère a informé via un communiqué de la liste des 42 projets retenus. Il a souligné qu’une « large majorité » d’entre eux sont portés par des établissements publics de santé mentale, et environ 20% de porteurs sont des structures associatives ou privées. Outre sur les thématiques citées par la ministre, ces projets portent aussi sur la mise en œuvre de parcours facilités avec la ville et le médico-social, le développement de la télémédecine ou encore l’accès facilité aux soins somatiques.
Financement de 35 projets en pédopsychiatrie

Agnès Buzyn a également évoqué un autre appel à projets national touchant à la pédopsychiatrie, lancé il y a quelques mois et doté de 20 M€ délégués fin 2019 (lire notre article). « Une centaine de projets ont été priorisés et remontés par les ARS », a-t-elle annoncé, en rappelant s’être notamment engagée dans ce cadre « à rétablir une offre d’hospitalisation et de prise en charge [de psychiatrie infanto-juvénile] dans tous les territoires », alors que certains sont « totalement dépourvus » de lits dédiés. Au total, 35 projets ont été retenus et seront financés, ce qui témoigne « là aussi du succès de l’appel à projets et de la mobilisation importante » des acteurs concernés.

L’offre de plusieurs départements renforcée

Les 35 projets retenus sur un total de 92 remontés en régions portent sur la création de lits d’hospitalisation dans les départements qui en sont dépourvus, de places de crise ou post-crise, d’évaluation et de prise en charge des situations urgentes, ainsi que de places d’hospitalisation de jour ou de nuit. Le renforcement de l’offre ambulatoire est « largement mis en avant » à travers le renforcement des centres médico-psychologiques (CMP) et le développement d’équipes mobiles. L’offre de pédopsychiatrie se trouve notamment renforcée dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Côtes d’Armor, en Corrèze, Creuse, dans l’Eure et l’Indre.

La ministre a également annoncé qu’il était envisagé de reconduire et de prolonger ces appels à projets l’an prochain. D’ores et déjà, il a été demandé aux ARS d’organiser des rencontres entre toutes les équipes candidates sur ces différents projets pour échanger sur les expériences et les résultats existants. Le ministère travaille à l’organisation d’une réunion nationale avec les lauréats « début 2020 ».

Agnès Buzyn a évoqué par ailleurs le déploiement du dispositif de prévention de la récidive suicidaire Vigilans, avec « neuf régions aujourd’hui opérationnelles ». Au 30 novembre, ce dispositif a touché 11 700 patients suicidants, en dépassant « pour la première fois les 10 000 entrées sur un an ». La montée en charge « va encore être accélérée l’année prochaine » avec la mise en route d’une stratégie pour déployer dans les régions une formation actualisée des intervenants au repérage et à l’évaluation du risque suicidaire.

Enfin, la ministre a annoncé concernant les CMP qu’une réflexion sera engagée au premier semestre 2020 au sein du comité de pilotage de la psychiatrie au ministère sur la base du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales attendu par la ministre en tout début d’année.

Caroline Cordier, à Nice