Après deux mouvements de grève (le 28/06/2022 et le 29/11/2022), une conférence de presse intersyndicale (le 17/10/2022), les représentants de la psychiatrie publique ont pu rencontrer le ministre de la Santé.

Nous lui avons exposé́ en détail les tenants et aboutissants de la grave crise de la psychiatrie publique.

Il nous a pressé d’ouvrir des négociations sur ce sujet et a demandé au président de la commission nationale de psychiatrie, Michel Lejoyeux, une étude sur la charge de travail en psychiatrie publique.

Ces négociations devaient se dérouler en parallèle avec la négociation sur la carrière des praticiens hospitaliers avec l’ensemble des disciplines.

Or, le 12/05/2023, toutes ces négociations ont été interrompues sans raison apparente.

Voyons donc de plus près ce qu’il en est.

Nous consacrons ce numéro de la lettre de l’IDEPP à ce sujet pour informer la profession, fidèles à ce que nous nous sommes toujours engagés à faire.

La rédaction

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En effet nous avions été avisés le 12 mai 2023 par la DGOS du report sine die des négociations en cours concernant l’attractivité des Praticiens Hospitaliers et des Hospitalo- Universitaires.

Or la situation à l’hôpital public n’a jamais été aussi grave. La profession de praticien hospitalier est devenue un véritable repoussoir. Un grand nombre de collègues de toutes les disciplines et de tous les âges démissionnent de plus en plus. Les jeunes médecins ne veulent plus s’engager dans une profession devenue aussi peu attractive ( environs 3000 candidats seulement se sont présentés au concours national de PH pour un peu plus de 10000 postes vacants)

L’hôpital public s’effondre par pans entiers.

Lors de la journée du 4 juillet 2023, nous exigions la reprise immédiate des négociations avec notamment l’attribution par le ministère de l’Économie et des Finances d’une dotation financière sur les mesures d’attractivité pour les praticiens hospitaliers et hospitalo-universitaires et en particulier :

  • Une augmentation générale de l’ensemble des rémunérations pour tenir compte de l’inflation.
  •  La prise en compte du temps de travail en fin de journée et début de soirée (5ème plage horaire) pour valoriser la continuité des soins et la revalorisation immédiate de la permanence des soins, gardes et astreintes incluses. En effet, ce chantier est toujours en jachère malgré les engagements donnés par le Président de la République lors de ses vœux aux professionnels de santé.
  •  Le raccourcissement significatif de la durée globale de déroulement de la carrière des PH, avec des réductions de la durée des échelons, permettant d’atteindre plus rapidement les derniers échelons de la grille salariale statutaire créés lors des négociations du Ségur de la santé.
  •  La prise en compte, notamment financière, de la charge mentale spécifique et des risques particuliers liés à l’exercice de la psychiatrie publique.

Cette journée d’actions et de grève a amené à une rencontre entre le ministère de la santé et des représentants médicaux hospitaliers, dont un membre de l’IDEPP.

Au cours de cette rencontre notre collègue psychiatre a pu faire part de nos difficultés et soutenir les revendications propres à notre discipline.

En psychiatrie notre profession, à lourde responsabilité humaine, demande une vigilance permanente qui est parasitée au quotidien par des interruptions de tâche et des charges invisibles, mal identifiées et non quantifiées, exposant les soignants à une pénibilité particulièrement importante et non reconnue actuellement par les pouvoirs publics. On peut ainsi mentionner à nouveau la complexification et la multiplication purement procédurale des certificats médicaux exigibles et le risque de mise en cause juridique. Ces stress permanents sont des sources d’erreurs qui peuvent entraîner des conséquences non négligeables sur la santé mentale et physique et sur les comportements des professionnels.

Il existe une dégradation des relations humaines au quotidien, avec les autres professionnels de santé, avec certains patients et familles, et enfin avec la hiérarchie aujourd’hui plus administrative que médicale. On constate aussi actuellement une diminution d’autonomie des praticiens dans leur exercice quotidien et une diminution de leur participation aux décisions : plannings d’organisation de plus en plus contraints pour pallier aux manques de soignants.

Par ailleurs, la responsabilité populationnelle qui caractérise notre pratique renforce d’autant notre charge mentale, soucieux de la situation de certains de nos patients, par exemple lorsqu’ils ne se présentent pas à un de leur rendez-vous .

Face aux caractéristiques propres à notre discipline l’IDEPP demande, en plus de nos revendications mentionnées au début de cette lettre :

  •  L’ Amélioration de l’organisation interne de l’hôpital en permettant aux équipes hospitalières de terrain de décider en autonomie de ce qui les concerne directement (organisation, activité, recrutements, etc.).
  •  La révision de la gouvernance de l’hôpital en renforçant la décision médicale sur le projet médical d’établissement et le projet médical partagé. Le rééquilibrage de la gouvernance doit s’étendre au directoire et au conseil de surveillance.
  •  La mise à disposition sur l’ensemble du territoire du nombre de lits nécessaire pour accueillir les patients, des effectifs de professionnels correspondant aux besoins, de temps d’échanges et de synthèses intégrés dans les plannings.
  •  L’établissement de critères de pénibilité de l’exercice de la psychiatrie publique (notamment l’exposition à l’agressivité voire à la violence, les contraintes et responsabilités juridiques et règlementaires…) et leur reconnaissance en les valorisant financièrement.

Il est indispensable et urgent de repenser, à partir des revendications que nous portons, l’avenir de la psychiatrie publique, afin d’arrêter la spirale infernale mortifère actuelle et d’apporter des solutions concrètes.

Notre journée d’actions et de grève du 4 juillet 2023 a permis d’obtenir la promesse du ministère d’une reprise des négociations début septembre 2003. Nous sommes plus que jamais déterminés et engagés à défendre l’exercice de notre discipline.