PARIS, 28 janvier 2022 (APMnews) – Douze organisations représentant le secteur de la psychiatrie alertent dans un communiqué diffusé jeudi sur les « départs massifs » et « sans précédent » de médecins, et « désormais » de personnels soignants non médicaux, qui obligent les établissements psychiatriques à fermer des lits, voire des unités entières.

« Manifestement, la mesure de l’urgence et de la gravité de la situation de crise que connaît la psychiatrie publique dans notre pays est loin d’être prise en compte », déplorent les 12 organisations (liste ci-dessous).

Depuis plusieurs mois, le monde de la psychiatrie s’inquiète fortement d’une « crise d’attractivité sans précédent », selon les termes de la conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de centres hospitaliers spécialisés (CHS) (cf dépêche du 21/06/2021 à 17:47), qui a d’abord touché le personnel médical (cf dépêche du 15/07/2021 à 17:51) puis non médical (cf dépêche du 17/11/2021 à 18:05).

Dans leur communiqué, les 12 organisations, qui alertent à nouveau sur les « départs massifs, et sans précédent de praticiens, même chevronnés » de leurs établissements, « aggravant ainsi une démographie médicale déjà en pénurie », constatent que « les personnels soignants non médicaux ont désormais rejoint ce mouvement de départ ».

Cette situation entraîne la multiplication des « fermetures de lits, voire d’unités entières », « forçant à des restructurations particulièrement délétères pour la prise en charge des patients dans des conditions souvent intolérables », s’inquiètent les organisations.

Dans ce contexte, « le discours du ministre de la santé », au congrès de l’Encéphale le mercredi 19 janvier (cf dépêche du 19/01/2022 à 17:37), « ne peut que laisser extrêmement perplexes les professionnels de la psychiatrie, patients et proches, au regard de la très triste réalité qu’ils vivent au quotidien sur le terrain ».

« Où sont les mesures urgentes et massives de renforcement de l’attractivité tant attendues? », s’interrogent-elles. Si le ministre « dit reconnaître ces difficultés, il n’annonce aucune mesure concrète de nature à améliorer l’attractivité de la discipline mais bien au contraire des ‘actions phares’ centrées sur la santé mentale et reléguant la psychiatrie au magasin des accessoires », continuent-elles.

Pour les organisations, « une fois encore, cet amalgame entretenu entre psychiatrie et santé mentale alimente la perte de sens que vivent actuellement les professionnels de la discipline ».

« Pourquoi dépister et diagnostiquer si au bout du compte les moyens de mise en oeuvre des orientations thérapeutiques nécessaires se révèlent nettement insuffisants voire inexistants? », constatent-elles. « Que penserait-on d’une politique de lutte contre le cancer qui miserait en priorité sur la prévention et abandonnerait dans le même temps les patients et les services d’oncologie à leur sort? », illustrent-elles.

Selon elles, « malgré les crédits de rattrapage alloués, notamment pour le renforcement de la pédopsychiatrie, les projets ne peuvent voir le jour faute de professionnels à recruter », ajoutent-elles.

Elles estiment également que « l’investissement hospitalier en psychiatrie reste très insuffisamment pris en compte » par la commission nationale de la psychiatrie (cf dépêche du 21/01/2021 à 13:50).

Les organisations déplorent que « tout se passe comme si » la « carence en professionnels » et la « dégradation de la qualité et la sécurité des soins » étaient « entérinées ».

Elles ajoutent que cette dégradation ne saurait être compensée par des dispositifs de type infirmiers en pratique avancée (IPA).

« Sans prise en compte de cette perte de sens maintes fois dénoncée par les signataires en termes d’urgence républicaine [cf dépêche du 11/10/2021 à 16:17], la perspective ne peut être que celle d’une aggravation de la situation déjà dramatique à laquelle est confrontée la psychiatrie en France », concluent les organisations.

Liste des représentants d’organisations signataires :

  • Marie Bur, Marc Fedele, Pascale Giravalli, coprésidents de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)
  • Marie-José Cortés, présidente du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH)
  • Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy)
  • Claude Gernez, président de la Fédération française de la psychiatrie (Fédépsychiatrie)
  • Delphine Glachant, présidente de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP)
  • Gladys Mondière, présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP)
  • Christian Müller, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement (CME) de centres hospitaliers spécialisés (CHS), désormais ancien président (cf APM)
  • Annick Perrin-Niquet, présidente du Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (CEFI-Psy)
  • Marie-Noëlle Petit, présidente de l’Association nationale des psychiatres présidents et vice-présidents de CME des centres hospitaliers (ANPCME)
  • Norbert Skurnik, président de l’Intersyndicale de la défense de la psychiatrie publique (Idepp)
  • Olivier Tellier, président de l’Association française des unités pour malades difficiles (UMD)
  • Michel Triantafyllou, président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep)