PARIS, 7 octobre 2019 (APMnews) – Le Conseil d’Etat n’a annulé, contre toute attente par rapport aux préconisations du rapporteur public, que deux dispositions du décret instituant Hopsyweb, le traitement de données à caractère personnel pour le suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, selon sa décision communiquée à APMnews lundi.

Le décret créant Hopsyweb est paru au Journal officiel en mai 2018 (cf dépêche du 24/05/2018 à 12:09). Il autorise les agences régionales de santé (ARS) à mettre en oeuvre ce traitement de données.

Dès sa parution, le décret a provoqué l’ire des usagers et des professionnels de santé (cf dépêche du 05/06/2018 à 18:49, dépêche du 20/07/2018 à 16:04). Le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) est l’une des premières organisations à avoir saisi le Conseil d’Etat en demande d’annulation de ce texte, suivi du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom).

Mi-septembre, le Conseil d’Etat a examiné ces trois recours (cf dépêche du 16/09/2019 à 19:04) et le rapporteur public du Conseil d’Etat avait préconisé d’annuler trois articles:

l’article 4 qui énumère les destinataires des données d’Hopsyweb, parmi lesquels les représentants de l’Etat dans le département, le juge des libertés et de la détention (JLD), le procureur de la République du tribunal de grande instance (TGI), le directeur de l’établissement d’accueil ou l’agent placé sous son autorité, l’avocat de la personne ou encore les membres de la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP), les fonctionnaires du greffe du tribunal de grande instance chargés des procédures de soins sans consentement, le maire, ou à Paris le commissaire de police, auteur d’un arrêté prenant les mesures provisoires en vue d’une admission en soins psychiatriques

l’article 5 qui permet au ministère en charge de la santé de désigner des personnels habilités à accéder aux données à des fins statistiques

l’article 6 qui prévoit que les données et informations « sont conservées pendant trois ans à compter de la fin de l’année civile suivant la levée de la mesure de soins sans consentement ».

Or, dans sa décision transmise lundi, le Conseil d’Etat n’annule finalement que deux alinéas de l’article 1er du décret, qui liste ce que permet Hopsyweb pour permettre « le suivi des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement », ainsi qu’il est indiqué dans le décret.

La juridiction annule la « consultation nationale des données collectées dans chaque département » par « les services centraux du ministre chargé de la santé » à des « fins de statistiques », ainsi que la possibilité pour les commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP) d’une « exploitation statistique des données collectées au niveau départemental […] en vue de l’élaboration du rapport d’activité ».

Le Conseil d’Etat estime que « le décret attaqué ne pouvait légalement pas permettre la consultation nationale des données collectées dans chaque département par les services centraux du ministère chargé de la santé aux fins de statistiques, ni l’exploitation statistique des données collectées au niveau départemental pour la confection du rapport d’activité annuelle des [CDSP] sans prévoir la pseudonymisation des données utilisées ».

Une durée de conservation des données « pas excessive »

Pour le reste, la juridiction juge que les traitements de données d’Hopsyweb « ont d’abord pour finalité de permettre aux [ARS] d’assurer le suivi administratif » des personnes en soins sans consentement « et ensuite pour autres finalités de répondre aux demandes d’informations des préfets […] dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation d’acquisition et de détention d’armes, d’établir au niveau national des statistiques permettant de conduire une politique publique pertinente en matière de soins psychiatriques sans consentement et d’exploiter statistiquement des données ».

Dans ce cadre, elle pense que, comme les destinataires listés dans l’article 4 n’ont accès qu’aux seules données et informations, dixit le décret, « nécessaires à l’exercice de leurs attributions » et que « l’accès à ces données est limité à la durée de conservation dans le traitement », les dispositions du texte attaqué « n’ont ni pour objet ni pour effet d’opposer aux personnes faisant l’objet de soins psychiatriques leurs antécédents psychiatriques » et ne sont pas en contradiction avec l’article du code de la santé publique qui dispose que les patients en soins sans consentement conservent, à l’issue de leurs soins, la totalité de leurs droits.

De plus, poursuit le Conseil d’Etat, le décret n’a « ni pour objet ni pour effet » de permettre aux destinataires des données d’accéder à des informations relatives à la santé des personnes dérogeant au secret médical et ne porte donc pas atteinte au statut des praticiens hospitaliers.

Contrecarrant d’autres arguments des requérants, il explique ensuite que créer un traitement de données à caractère personnel n’implique pas obligatoirement de mentionner les modalités d’information des personnes concernées, ni les modalités d’effacement ou de rectification des données (dans le cas d’une mainlevée de la mesure, par exemple).

Concernant la durée de conservation des informations, le Conseil d’Etat reprend les arguments du ministère de la santé, à savoir que selon une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) de 2016, les personnes sont stabilisées au bout de trois ans. En fixant la durée de conservation précisément à trois ans, « le décret attaqué n’a pas fixé une durée excessive » à la fois pour le suivi administratif et pour l’information du préfet quant à la détention d’armes, écrit-il.

Cette décision du Conseil d’Etat « est parfaitement décevante », déplore le CRPA dans un communiqué diffusé lundi.

Rappelant les recours toujours en cours (cf dépêche du 14/05/2019 à 17:29 et dépêche du 17/05/2019 à 17:15) sur le décret paru le 7 mai au Journal officiel permettant de croiser certaines informations entre Hopsyweb et le Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) (cf dépêche du 07/05/2019 à 12:20), le président du CRPA, André Bitton, dit espérer « qu’il sera censuré plus avant ».

La décision du Conseil d’Etat – décret Hopsyweb
vl/ab/APMnews

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